« Bayer aux corneilles »
Regarder en l'air, rester sans rien faire.
Le verbe bayer qui signifie "avoir la bouche ouverte" ne doit pas être confondu avec
bâiller.
Quant aux corneilles, au XVIe siècle, elles désignaient des objets insignifiants, sans importance. Ce terme pouvait aussi bien désigner l'oiseau, présent en grande quantité à cette époque, que le
fruit du cornouiller.
Bayer aux corneilles voulait donc dire "rester bouche ouverte à regarder en l'air, contempler ou désirer des choses sans intérêts"
« Toucher le pactole »
Toucher une très grosse somme d'argent ou quelque chose ayant beaucoup de valeur
De nos jours, celui qui gagne à l'Euro Millions touche incontestablement un sacré pactole.
Vous avez certainement déjà entendu parler de Crésus, sans forcément savoir qu'il était roi de Lydie au VIe siècle avant J.-C. Il était connu pour avoir été immensément riche (ce pourquoi on dit d'Onc'Picsou qu'il est « riche comme Crésus »), bien qu'il n'ait pas gagné à l'Euro Millions.
Alors pourquoi cet homme avait-il autant de richesses ? C'est tout simplement grâce aux sables aurifères (contenant de l'or) de la rivière qui traversait son pays et sa capitale Sardes (ou
Sardis), rivière qui s'appelait le Pactole ou Paktôlos, en grec.
Voilà comment un nom propre est d'abord devenu le symbole d'une très grande richesse depuis la fin du XVIIe siècle, puis s'est transformé en nom commun à partir de 1800.
Maintenant, les esprits curieux (les autres, vous pouvez entamer votre sieste tout de suite) pourront se demander par quel miracle ce fleuve était aussi chargé en or.
Eh bien la réponse nous vient de la mythologie grecque et de Midas, roi de Phrygie. En effet, suite à une bonne action en faveur d'un dieu, il avait pu faire exaucer son vœu le plus cher, à
savoir transformer en or tout ce qu'il touchait. Il avait juste oublié que ça allait aussi être le cas pour sa nourriture et sa boisson, et qu'il allait donc mourir de faim et de soif. Ayant
demandé à ce que son vœu soit annulé, il dut se laver dans le Pactole, ce qui explique l'abondance d'or qui, à la fois, fit la richesse de Crésus et provoqua la naissance de notre
expression.
« C'est parti, mon kiki ! »
On commence ! En route ! On s'y met !
Formule généralement utilisée au début d'un processus, d'une action pour encourager quelqu'un ou le groupe.
Voilà encore une de ces nombreuses expressions courtes qui marquent les esprits et restent gravées dans les mémoires à cause de leur rime intérieure, comme "tu parles, Charles", "pas de méprise, Denise", "au hasard, Balthazar" ou bien "tu l'as dit, bouffi".
Quant au kiki, il ne s'agit ici pas de celui de Félix, qui est gros selon ce qu'affirme vertement Zézette dans "le Père Noël est une ordure" ( ).
En effet, notre formule est complètement équivalente à un "vas-y mon poussin" que prononcerait une mère pour encourager son enfant.
Or, par le plus grand des hasards, il se trouve qu'en argot 'kiki' désigne aussi une volaille (entière ou ses abattis).
Mais peut-être n'est-ce là effectivement qu'un simple hasard.
Car Cellard et Rey, dans leur Dictionnaire du français non conventionnel ( ) proposent une explication en trois points :
- cette expression, lorsqu'elle est apparue dans les années 1930-1940, s'employait aussi ironiquement à propos d'une aventure sentimentale inattendue et rapide ;
- "mon kiki" désignait familièrement un amant ou un mari ;
- les dames de petites vertu utilisaient d'abord cette appellation pour héler le chaland dont elles ne connaissaient pas le prénom, puis l'expression pour signaler à leurs collègues qu'elles
avaient réussi à convaincre leur cible et qu'elles disparaissaient temporairement avec elle.
« Pendre la crémaillère »
Célébrer, par un repas ou une fête, son installation dans un nouveau logement.
De nos jours, si la fête associée à la "pendaison de crémaillère" existe bien toujours, il y a belle
lurette que l'objet à l'origine de cette expression a disparu de nos foyers.
Au XVIe siècle, en cette période où les plaques de cuisson à induction ne risquaient pas de tomber en panne au grand dam de leur propriétaire, la cuisson des plats se faisait principalement dans
l'âtre du foyer, la marmite étant suspendue à une crémaillère ( ) permettant de régler la hauteur du récipient au-dessus du feu.
Je rappelle qu'à l'époque, les 5 pièces duplex avec terrasse sur les toits n'étaient pas fréquents chez le peuple qui devait souvent se contenter d'un une pièce au sol en terre battue, des fois
partagé avec les bêtes.
Il n'empêche que la construction de la maison était une activité à laquelle la famille, les amis et les voisins participaient de bon coeur. Pour les en remercier et fêter leur entrée dans leur
nouveau foyer dans lequel l'indispensable crémaillère venait juste d'être enfin installée, parmi les quelques autres travaux de finition, les heureux occupants ne manquaient pas d'organiser un
repas ou une fête où leur toute nouvelle crémaillère pouvait enfin être étrennée.
Et c'est depuis cette époque que perdure notre expression, malgré la disparition définitive de l'objet.
« Faire des pieds et
des mains »
Faire tous ses efforts, multiplier les démarches (pour aboutir à un certain
résultat)
Sous sa forme actuelle, cette expression date du XIXe siècle et elle est facile à comprendre :
il s'agit simplement d'une image intensive où, pour se donner le maximum de chances d'arriver à réaliser quelque chose, la personne ne se contenterait pas d'utiliser ses seules mains, elle y
ajouterait également les deux pieds.
Dans son "Dictionnaire critique de la langue française", Jean-François Féraud indique qu'au XVIIIe, on disait "y aller des pieds et des mains" ce qui, sous cette forme, suggère plus le
déplacement plus rapide que la manipulation facilitée. Il signale également la version "travailler des pieds et des mains".
Par contre, si l'image est claire, la forme est étrange, bien qu'inexpliquée, car on ne dit pas "faire des mains" tout seul, ni "faire des pieds".